Je me demande souvent pourquoi j'ai tant de plaisir à visiter un buffet. Je doute que ce soit à cause de la qualité de la nourriture ou pour admirer le décor. Alors quelle est la raison? Les clients. Les clients me fascinent. Pas comme un snob qui se moque des petites gens qui se tapent une "grosse sortie" au buffet, mais plus comme un ethnologue qui prend plaisir à étudier les comportements d'un certain type de personnes.
Heureusement pour moi, ma visite au Buffet Fu Lam, sur le boulevard Taschereau à Greenfield Park, a été assez plaisante. Occupant l'espace de l'ancien Buffet Palace Oriental, le Fu Lam a ouvert ses portes en février 2010. Il s'est écoulé trop de temps depuis ma dernière visite au Palace Oriental pour vous dire si le décor a particulièrement changé. J'ai constaté que certaines salles avaient été réaménagées et que quelques tables se trouvaient maintenant dans le corridor (ouach!). Mais l'ambiance est sensiblement la même qu'avant: un resto sans âme prêt à accueillir des autobus remplis de touristes.
Le service est tout aussi personnalisé. Mais au moins, il a le mérite d'être professionnel et courtois. Et je n'ai jamais manqué d'eau dans mon verre, un plus en ce qui me concerne.
Le "menu" est aussi très traditionaliste: soupes diverses, riz frit, poulet du général Tao, sushis, crevettes sautées, pizzas... (Oui oui, pizzas. Et smoked meat. Miam?)
J'ai goûté à la soupe aigre piquante. Mangeable, mais sans grand intérêt. J'ai aussi essayé leur soupe aux won ton. J'ai longtemps cherché le goût du bouillon. Finalement, j'ai conclu que c'était un bouillon aux won ton. Pas POUR des won ton. À saveur de won ton bouillis. Pas délicieux.
Le reste des essais me donnèrent toujours la même impression: une nourriture passable, tout au plus. La cuisson semblait correcte, les sushis ne m'ont pas rendu malade et les desserts ne semblaient pas avoir été trop taponnés. Je crois que je pouvais difficilement demander mieux.
Ai-je au moins eu plaisir à observer les clients? Oui. La clientèle était un mélange presque parfait de cultures, de langues et de générations (dont un bon pourcentage souffre d'embonpoint). Vous êtes un jeune Indien avec votre copine québécoise? Vous êtes un Chinois à la retraite? Vous êtes un anglophone qui décide d'offrir une sortie à votre petite famille? Vous vous sentirez chez vous au Buffet Fu Lam. Surtout si vous aimez les pattes de crabe. J'ai vu plusieurs personnes passer avec des assiettes débordantes de pattes de crabe.
En observant un couple dans la cinquantaine manger avec plaisir, arrosant le tout d'une bouteille de vin blanc soigneusement déposée à côté de leur table dans un seau à glace, je me suis demandé si le vin était bon. En observant une dame se couper une pointe de gâteau au chocolat pour ensuite le considérer longuement et le couper en deux (dans le mauvais sens) pour en remettre la moitié dans le présentoir, je me suis demandé si cette moitié de gâteau trouverait un jour preneur.
Mais j'ai eu du plaisir à constater le plaisir des autres. Tous ces gens semblaient heureux d'être au buffet. Ils mangeaient. Je dirais même qu'ils mangeaient beaucoup. Mais la nourriture était plutôt secondaire. Ils étaient heureux de partager un moment ensemble, à manger (pour pas très cher). C'est probablement ce qui fait que les buffets sont encore si populaires. Ce n'est pas la même expérience dans un restaurant traditionnel. Ici, on peut manger sans trop penser à ce qu'on mange.
Pour ma part, mon plaisir ne peut malheureusement pas être que social. J'ai besoin de manger, certes, mais j'ai aussi besoin de bien manger. Je doute fortement de retourner au Fu Lam. Mais si vous êtes un amateur de buffet, cher lecteur, je doute fortement que ma critique vous influence. Il existe de meilleurs buffets, c'est vrai. Mais pour un prix similaire, la différence est-elle si grande?